XII. Hypnose et Hypnothérapie

Dans la mythologie grecque, Hypnos personnifiait le sommeil.

La sémantique est due à James Braid qui désignera plus scientifiquement ce que Messmer appelait « magnétisme animal ».

Je vous invite à revoir les pages précédentes : sophrologie, chapitre hypnose et les origines.

Pavlov disait que l’hypnose pouvait être « un sommeil qui ne se répand que progressivement à partir d’un point donné ».

Babinski parlait de « pithiatisme » en affirmant qu’hypnose et hystérie se confondaient.

Le plus réaliste, avant Milton Erickson, fut sans doute Chertok qui évoquait « un état de conscience modifié, à la faveur duquel l’opérateur peut provoquer des distorsions au niveau de la volition, de la mémoire et des perceptions sensorielles ».

Dès lors, nous parlerons d’hypnose clinique ou ericksonienne et plus précisément d’hypnothérapie.

Les thérapeutes deviendront des hypnologues et nous réserverons le terme d’hypnotiseur aux gens du spectacle.

Si vous avez bien lu les pages précédentes, l’hypnose – plus incisive que la sophrologie – est l’un des composants de la sophrologie.

L’hypnose, même différente, est un état de notre esprit tout comme la veille, le sommeil.

Nous nous retrouvons dans cet état plusieurs fois par jour suivant un rythme plus ou moins régulier où cerveau et esprit travaillent différemment. Cela nous permet de réaliser des choses impossibles à faire autrement.

Nous pouvons entrer dans un état hypnotique en visionnant un film intéressant, en faisant du sport ou même en conduisant.

L’hypnothérapie démarre au début du XXème siècle et celui qui a sans aucun doute mis au point des techniques précises reste Milton Erickson, psychiatre et psychologue, celui qui donnera son nom au courant moderne de cette thérapie.

Depuis 1980, avec l’évolution constante de l’imagerie médicale (IRM, Scanner, etc.) il est possible de prouver que l’état hypnotique est une réalité indiscutable.

L’HYPNOSE N’EST PAS LE SOMMEIL

Dans l’hypnose ericksonienne, le patient reste toujours conscient ; il entend et comprend tout.

Aucun danger n’a jamais pu être démontré.

Aucune manipulation ne peut exister sans que le patient ne s’en rende compte.

L’état est temporaire et l’on ne peut pas rester bloqué en état d’hypnose.

L’HYPNOSE N’EST PAS CURATIVE

Ce n’est pas un traitement. C’est un support permettant au patient de réaliser plus facilement un travail proposé par le thérapeute.

Dans l’hypnose ericksonienne, le principe de base est d’établir une communication avec l’inconscient du patient pour y introduire des changements dans son fonctionnement.

Il s’agit d’un processus interactif où le thérapeute réagit en fonction des réponses données par l’inconscient du patient.

Cela permet de traiter les problèmes directement là où ils se situent et de s’adapter aux besoins profonds du patient, d’où l’efficacité et la rapidité de ce type de thérapie.

Elle nous permet de modifier des comportements et des réactions automatiques provoqués par les émotions, que les recherches cliniques en neurophysiologie ont démontré être centrales dans notre fonctionnement psychique.

Notre esprit n’est jamais figé, il est souple et capable de modifier sa façon de fonctionner.

L’hypnothérapie permet de faire des apprentissages au plus profond de notre esprit, dans notre inconscient. Nous sommes capables de nous adapter et nous apprenons en permanence.

Nous sommes aussi capables de faire face à des situations nouvelles auxquelles nous n’avons jamais été confrontés auparavant.

Chaque thérapie est unique et propre au patient.

 

L’HYPNOSE, UN ETAT DE VEILLE…

Aujourd’hui, l’hypnose est définie comme un état modifié de conscience et le tracé électro-encéphalographique (rythme alpha: cf. pages précédentes sur l’électroencéphalogramme, VIII. disciplines et principes qui ont inspiré la sophrologie…) prouve bien qu’il s’agit d’un état de veille et non de sommeil.

Une veille où la conscience est « rétrécie » (par focalisation de l’attention, soit une concentration extrême) et en même temps « élargie » (par une sorte de disponibilité à soi et à l’environnement).

François Roustang – que j’ai eu la chance d’avoir comme enseignant -, met judicieusement en « miroir » l’état hypnotique et le rêve, en définissant la transe comme un état de veille paradoxale, dans laquelle « l’atonie musculaire et posturale s’allie avec une activité cérébrale intense », alors « que l’on est coupé de tous les stimuli afférents, fermé au monde extérieur et revêtu des insignes du dormeur », tout en étant « capable de productions que l’on peut bien qualifier d’oniriques, c’est-à-dire sans rapport avec des objets réels ».

LA TRANSE

La transe est observable de l’extérieur par divers indices : un état de concentration accrue, diminution de la réceptivité aux stimuli extérieurs et réorientation de l’attention focale vers les phénomènes internes.

Le corps est plongé rapidement dans un état de léthargie, de détente parfois très profonde, accompagné d’un « désintérêt envers tout effort ».

Sensations de flottement et de légèreté, musculature relaxée comme dans le sommeil, respiration et pouls habituellement ralentis, tension artérielle diminuée mais, contrairement au sommeil, les réflexes ostéotendineux sont présents.

Les mouvements volontaires sont inhibés (catalepsie), les muscles du visage relâchés et d’avantage irrigués (vasodilatation périphérique), le réflexe de déglutition est espacé voire suspendu.

Le corps peut adopter des postures bizarres, les bras, les mains, les membres inférieurs se pétrifier de façon expressive.

Sensations paradoxales de lourdeur et légèreté simultanées du corps ou des membres, modifications du schéma corporel.

Sensation d’être à la fois « complètement présent » tout en étant « ailleurs ».

Imagerie, intuition et évocation l’emportent sur le raisonnement.

IL EXISTE PLUSIEURS ETATS DE TRANSE

 

  • La transe légère

Etat de relaxation qui n’exclut pas les mouvements volontaires : clignotement des paupières, salivation, inhibition du réflexe de déglutition, diminution du tonus musculaire, relâchement des muscles du visage, ralentissement respiratoire et cardiaque, abaissement de la tension artérielle.

  • La transe moyenne

Où, selon le thème abordé, on observera des changements du rythme respiratoire et du tonus musculaire, des réajustements de la posture corporelle, une accentuation de la détente musculaire et de la sensation de calme, des réponses concrètes aux suggestions et comme dans le sommeil « paradoxal », des mouvements oculaires rapides.

  • La transe profonde

Dite somnambulique : la relaxation augmente et se généralise, avec des soupirs, révulsion possible des yeux, des mouvements pseudo athétosiques (mouvements involontaires lents et ondulants, prédominant à la tête, aux mains et aux pieds).

La motricité est « amortie » (affaissement des épaules, lévitation des membres, réponses ralenties, difficultés de parler sans stimulation extérieure).

L’évocation des souvenirs anciens est facilitée dans cet état par laquelle le clinicien peut aider le patient à revivre et à « réparer » des traumatismes passés.

Au cours d’une séance, nous pouvons aisément passer d’un état à l’autre.

IDENTIFICATION DES HEMISPHERES CEREBRAUX

Les recherches portant sur la spécialisation des hémisphères cérébraux constituent l’une des théories récentes qui ont contribué à identifier l’état hypnotique comme un état naturel et non artificiel.

  • Le cerveau gauche

Serait plus spécialisé dans les comportements d’éveil, des fonctions digitales (verbales, logico-grammaticales, rationnelles, abstraites, analytiques, dirigées, focalisées…)

  • Le cerveau droit

Pendant le rêve, la rêverie, la création artistique, activités de type analogiques (non verbales, visuo-spatiales, intuitives, concrètes, littérales, synthétiques, spontanées, diffuses…)

L’état hypnotique correspondrait à une activation du cerveau droit.

LES GRANDS PRINCIPES

 

  • La dissociation

« Vous êtes au milieu de nulle part… »

La caractéristique la plus significatives de l’état hypnotique est la « dissociation », c’est-à-dire la simultanéité d’une activité mentale consciente et inconsciente à la fois, activités séparées l’une de l’autre.

La dissociation – expérience naturelle – amplifie la perception de certaines composantes de l’expérience vécue tout en diminuant la perception d’autres composantes (« je suis hors de moi », « je suis à côté de mes pompes »…)

Plus la transe est profonde et plus forte sera la dissociation et plus grande la probabilité des réponses inconscientes.

  • La réceptivité

Il existe une forme de réceptivité au discours (interprétation littérale). Le sujet « colle au texte ». Si je dis « votre bras est lourd », il s’agira de la portion dénommée bras et non du membre supérieur.

Le sujet en état d’hypnose « collera » également aux images, aux souvenirs, aux diverses représentations fantasmatiques. Le sujet se prêtera au jeu si le thérapeute l’y invite.

  • La suggestibilité

Erickson donnera une impulsion décisive à une nouvelle forme de relation entre thérapeute et patient.

L’hypnotiseur alors directif et autoritaire, pseudo-détenteur de la solution recherchée par le patient (hypnose classique) sera remplacé par un hypnothérapeute qui se définira comme un catalyseur de l’inconscient, un compagnon du patient conduisant celui-ci vers ses ressources intérieures stockées dans ses aptitudes latentes, sa mémoire consciente et inconsciente, ses facultés inexploitées d’apprentissage (hypnose ericksonienne).

Les travaux de HULL (1933) démontraient que si l’hypnose elle-même n’améliorait pas les capacités humaines, la suggestion hypnotique permettait néanmoins d’influencer partiellement les performances humaines (résistance à la fatiqgue, modification des seuils sensoriels à certains stimuli, accès plus aisé à certains souvenirs d’enfance, anesthésie et analgésie hypnotiques, etc.)

MON AVIS

Durant notre formation, des groupes de trois étudiants – un patient, un thérapeute, un observateur – sont organisés pour mettre en application les exercices.

Nous passons donc, chacun notre tour, par l’un de ces trois rôles.

Je peux affirmer que, pour avoir joué lle rôle d’un patient en état de transe, je me suis senti admirablement bien : sécurisé, relaxé, conscient de ce que l’on me suggérait.

Entre autre, une bonne expérience hospitalière de l’application de l’hypnothérapie – en anesthésie comme dans d’autres disciplines – me permet d’affirmer aujourd’hui les bienfaits de cette méthode.

Plus rapide, l’hypnose m’a permis d’induire sur la table d’opération une parfaite détente à certains patients très anxieux : césariennes urgentes, ophtalmologie et claustrophobie, pré-anesthésie pour des interventions chirurgicales, endoscopies…

Les champs d’application de l’hypnothérapie sont larges : dépression, anxiété, angoisse, phobies, panic-attacks, problèmes comportementaux et diverses névroses, mais encore pour le développement personnel.

Coaches et entraîneurs n’hésitent pas à l’employer afin de faire de leurs sportifs des champions.

Peu de contre-indications sauf peut-être quelques cas de psychose.

Efficace dans les domaines où un processus inconscient vient perturber le sujet.

L’hypnothérapie tout comme la sophrologie nécessite une motivation profonde du sujet, voire un travail personnel comme l’auto-hypnose, par exemple, qui est de plus en plus usitée par certains patients.

Ce n’est pas une recette miracle et si les réussites sont spectaculaires, il existe aussi des cas d’échec comme dans toute thérapie.